Une bactérie capable de conduire l’électricité a été découverte

Sur une plage saumâtre de l’Oregon, aux États-Unis, une équipe de chercheurs vient de faire une découverte fascinante: une nouvelle espèce de bactérie capable de transporter des charges électriques comme un véritable fil électrique vivant. Elle a été nommée Candidatus Electrothrix yaqonensis, en hommage à la tribu autochtone Yaquina, qui habitait jadis les alentours de la baie du même nom, où elle a été découverte. Ce nouvel organisme appartient à un groupe de bactéries étonnantes surnommées « bactéries-câbles ». Ces microbes en forme de bâtonnets se connectent bout à bout, formant ainsi des chaînes longues de plusieurs centimètres. Contrairement à la plupart des bactéries connues, elles présentent une conductivité électrique exceptionnelle. Cette caractéristique inhabituelle résulte de leur métabolisme particulier. Elles transfèrent les électrons générés par l'oxydation des sulfures depuis les couches profondes où elles vivent, jusqu’à leur surface, où ces derniers sont captés par l'oxygène et l'acide nitrique présents dans l'environnement.

Jusqu’à présent, 25 espèces de bactéries-câbles étaient répertoriées, regroupées en deux genres: Candidatus Electrothrix, vivant en eau salée, et Candidatus Electronema, adaptées aux milieux d'eau douce ou saumâtre. Candidatus Electrothrix yaqonensis présente des caractéristiques génétiques issues des deux genres, et pourrait représenter un lien évolutif vers une branche ancestrale du genre Candidatus Electrothrix. Ce positionnement original permet aux chercheurs de mieux comprendre comment ces bactéries se sont adaptées à divers environnements et comment elles ont évolué. Son aspect est distinct de celui des autres espèces déjà connues. Les bactéries-câbles présentent habituellement une enveloppe externe striée de crêtes rappelant des montagnes miniatures. Or, cette nouvelle espèce affiche des crêtes remarquablement épaisses, atteignant en moyenne 228 nanomètres, soit près de trois fois l’épaisseur observée chez les espèces précédemment étudiées. Elles s’organisent en spirale sur le filament bactérien, présentant une géométrie angulaire qui tranche avec les formes arrondies généralement observées.
Mais l’élément le plus remarquable chez cette nouvelle espèce est sans doute la présence d'une gaine épaisse et transparente entourant chaque filament. Cette structure inédite chez les bactéries-câbles, qui ne conduit pas l’électricité, semble avoir une fonction protectrice contre les agressions de l'environnement et d’éventuels prédateurs. À l'intérieur des crêtes de cette bactérie, on retrouve une fibre contenant un complexe métallique centré sur du nickel, formant un véritable « fil biologique ». Cette structure permet une transmission particulièrement efficace des électrons tout le long du filament, comme si la bactérie avait été conçue selon un principe d’ingénierie avancé. Lors des tests en laboratoire, sa performance électrique a été impressionnante. En plaçant des filaments isolés sur une électrode en or et en appliquant une tension électrique, les chercheurs ont obtenu une courbe courant-tension parfaitement symétrique et linéaire, preuve de sa remarquable conductivité. Sa résistance électrique s’établit à environ 370 kilo-ohms, un niveau égal ou supérieur à celui des bactéries-câbles connues.

L’analyse génétique révèle une combinaison étonnante de caractéristiques propres aux deux genres connus de bactéries-câbles. Ce phénomène, appelé « mosaïcisme génétique », témoigne de l'intégration d’éléments génétiques distincts dans un même organisme. Un exemple frappant se trouve dans ses cytochromes, des protéines essentielles à la circulation des électrons. Alors que les espèces du genre Candidatus Electrothrix possèdent généralement un cytochrome doté d'un seul hème (un complexe comportant un atome de fer), la nouvelle bactérie, à l'image de certaines autres espèces, possède des cytochromes à deux hèmes, amplifiant potentiellement ses capacités de transfert électronique. Autre particularité: Candidatus Electrothrix yaqonensis ne possède pas l’enzyme normalement utilisée par les espèces marines pour gérer leur équilibre osmotique en milieu salin. À la place, elle utilise plusieurs transporteurs échangeant sodium et protons, une adaptation intelligente à son habitat saumâtre, où la salinité varie constamment.
Les chercheurs souhaitent maintenant comprendre plus précisément comment cette gaine unique se forme autour du filament bactérien et comment les fibres conductrices s’auto-assemblent. Grâce à sa conductivité remarquable et à sa capacité d'adaptation à l'environnement, elle pourrait être exploitée en bioélectronique, une discipline combinant la biologie et l'électronique pour développer des technologies innovantes. Ses propriétés exceptionnelles pourraient notamment permettre la création d’appareils électroniques biodégradables ou de biocapteurs capables de détecter divers polluants. Enfin, elle pourrait être utilisée pour dépolluer des environnements sédimentaires contaminés par des métaux lourds et des polluants organiques. Cette découverte prometteuse démontre une fois de plus comment l'exploration minutieuse de notre environnement peut ouvrir des perspectives étonnantes, tout en soulignant l'importance de préserver ces écosystèmes uniques pour de futures découvertes scientifiques.