Trump contre la culture - Une purge autoritaire menace les créateurs

Une nouvelle vague de décisions arbitraires secoue les institutions culturelles américaines, révélant un mépris flagrant pour la créativité, la liberté d’expression et les droits des artistes. Shira Perlmutter, directrice du bureau américain du droit d’auteur (US Copyright Office), a été brutalement licenciée par Donald Trump, selon CBS News. Cette éviction intervient juste après celle de Carla Hayden, directrice de la bibliothèque du Congrès, dont le bureau du droit d’auteur est une branche. Ces licenciements, dénués de toute justification crédible, trahissent une volonté d’étouffer les voix indépendantes et de servir les intérêts de puissants acteurs technologiques, au détriment des créateurs.

Shira Perlmutter, en poste depuis octobre 2020 sous la première administration Trump, n’était pas une novice. Nommée par Carla Hayden, elle a dirigé le bureau du droit d’auteur avec une rigueur reconnue, notamment en publiant récemment un rapport majeur sur l’utilisation des œuvres protégées dans l’entraînement des systèmes d’intelligence artificielle. Incisif, il mettait en lumière les dérives potentielles des modèles d’IA générative, qui exploitent massivement des contenus protégés sans égard pour les droits des créateurs. Il soulignait que l’utilisation commerciale de ces œuvres pour produire des contenus concurrents dépasse largement les limites du « fair use » (usage équitable), une position qui a visiblement dérangé certains intérêts puissants.

Le timing de son licenciement, survenu moins de 48 heures après la publication de ce rapport, n’a rien d’anodin. Le député démocrate Joe Morelle n’a pas mâché ses mots:
« La décision de Donald Trump de limoger Shira Perlmutter est une prise de pouvoir éhontée et sans fondement légal. »
Il pointe directement du doigt les motivations sous-jacentes: Perlmutter refusait de céder aux pressions d’Elon Musk, fervent partisan de la suppression des lois sur la propriété intellectuelle. Le milliardaire, comme d’autres magnats de la tech, rêve d’un monde où les données, y compris les œuvres protégées, seraient librement exploitables pour nourrir leurs algorithmes. Le rapport, en s’opposant à cette vision, représentait une menace pour leurs ambitions.

Carla Hayden, première femme afro-américaine à diriger la bibliothèque du Congrès, n’a pas été épargnée par cette purge. Nommée sous Obama, elle a modernisé l’institution, optimisant ses systèmes et la rendant plus accessible. Pourtant, elle a été limogée sans explication officielle, une décision qui semble directement liée à une campagne de dénigrement orchestrée par l’American Accountability Foundation (AAF), un groupe conservateur autoproclamé de surveillance gouvernementale. Ce dernier reprochait à Hayden son opposition à la censure de livres traitant de l’identité sexuelle dans les bibliothèques, ainsi que son invitation de la chanteuse Lizzo à jouer de la flûte en cristal de l’ancien président James Madison lors d’un concert en 2022. Des griefs aussi futiles que révélateurs d’une croisade idéologique.
Shira Perlmutter, elle aussi, était dans le viseur de l’AAF, qui lui reprochait des dons à des campagnes démocrates et son soutien à une règle des « trois strikes » contre le téléchargement illégal. Ces attaques, d’une mesquinerie sidérante, montrent à quel point l’administration Trump s’appuie sur des prétextes fallacieux pour justifier ses purges. L’éviction de ces deux américaines n’est pas un simple changement de personnel. Elle s’inscrit dans une stratégie de mainmise sur les institutions culturelles, visant à museler toute voix dissidente. La bibliothèque du Congrès, en tant que dépositaire de chaque livre publié outre-Atlantique, est un pilier de la mémoire collective. La censurer ou la soumettre à des agendas idéologiques, comme le suggère la justification vague de la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt sur les « livres inappropriés », est une atteinte directe à la liberté intellectuelle. Quant au bureau du droit d’auteur, son rôle est crucial pour protéger les créateurs dans une ère où l’IA menace de bouleverser les équilibres économiques et culturels. Donald Trump fragilise cette institution et ouvre la voie à une exploitation débridée des œuvres protégées.