Skype tire sa révérence

Skype tire sa révérence

Ce lundi marque le dernier souffle de Skype, désormais officiellement relégué au cimetière numérique aux côtés d’autres géants disparus du début des années 2000. Pourtant, soyons honnêtes, cela fait probablement des années que vous n’avez plus décroché un appel sur ce service, même si sa tonalité si familière résonne encore dans nos mémoires avec une étrange nostalgie. Il symbolisait jadis un futur technologique digne des meilleurs films de science-fiction, soutenant des relations amoureuses à distance malgré des connexions aléatoires et des images pixélisées. Acheter une webcam était devenu un rite de passage quasi initiatique. Il incarnait alors ce rêve de pouvoir communiquer de manière accessible en un clic.

Skype en 2005

Et oui, Skype fut une véritable star montante de la tech. En 2005, eBay le rachète même pour 2,6 milliards de dollars, à une époque où Facebook ne vaut qu’une petite fraction de ce montant. Mais l’e-commerce et les appels vidéo n’ont jamais vraiment fait bon ménage, menant eBay à constater son erreur par une dépréciation de 1,4 milliard de dollars deux ans plus tard. Il est alors revendu à des investisseurs privés avant que Microsoft ne mette finalement la main dessus en 2011 pour la somme colossale de 8,5 milliards, sa plus grande acquisition à ce moment là. Skype compte alors 170 millions d’utilisateurs mensuels, chiffre qui grimpera à 300 millions en 2016.

C'est précisément à partir de ce sommet que le service commence à perdre pied. Lentement mais sûrement, de nouveaux concurrents émergent, grignotant peu à peu ses parts de marché. WhatsApp, Discord, Slack, tous se mettent à intégrer appels vidéo et messagerie de façon bien plus ergonomique. En interne chez Microsoft, Teams lui fait même de l'ombre dès son lancement en 2017, offrant une meilleure expérience mobile. Résultat ? Skype perd peu à peu son identité, et donc ses utilisateurs. Ironiquement, il connait un bref regain de popularité en mars 2020, au début de la pandémie, avec une augmentation de 70 % de son trafic quotidien, soit 40 millions d'appels par jour. Mais cette poussée est insuffisante face à l’ascension vertigineuse de Teams, Zoom et autres services plus jeunes et plus intuitifs. Zoom explose littéralement, atteignant 300 millions d’utilisateurs quotidiens dès avril 2020. Skype, quant à lui, retombe rapidement dans l’ombre, plafonnant à peine à 36 millions d’utilisateurs quotidiens en 2023.

En février dernier, Microsoft annonce officiellement sa fin, proposant à ses derniers fidèles de migrer vers Teams ou de récupérer leurs précieuses données avant ce 5 mai. Jeff Teper, responsable chez Microsoft, salut le parcours de Skype avec un discours convenu, reconnaissant son rôle dans la révolution des communications modernes. Mais sur Reddit, le son de cloche est différent: panique chez ceux qui l'utilisent pour recevoir des codes d’authentification ou anxiété à l'idée d'apprendre à leurs grands-parents à manipuler un nouvel outil. D’autres, en revanche, accueillent avec soulagement la fin d'une application jugée désastreuse depuis le rachat par la firme de Redmond, déplorant la lente agonie d’un produit jadis innovant et apprécié.

Effectivement, sous l'égide de Microsoft, Skype a multiplié les refontes et les nouveautés inutiles, sans jamais parvenir à reconquérir sa gloire passée. Même lorsqu'il était capable d’accueillir jusqu'à 100 participants par appel, il ne parvenait pas à rivaliser avec ses concurrents plus fluides et mieux intégrés aux usages actuels. Pourtant, il serait injuste de le considérer comme un échec. Il a connu son heure de gloire, arrivant au bon moment et se vendant exactement à la bonne époque. Son déclin fait simplement partie du cycle naturel de l’innovation.

Aujourd’hui, sa disparition nous rappelle que nos souvenirs numériques ne tiennent parfois qu’à un fil. Skype a permis à toute une génération de parler sans épuiser les forfaits mobiles, d’entretenir des liens affectifs à travers des continents. Avec sa disparition, nous ne perdrons probablement rien de concret: le marché regorge d’alternatives. Mais il restera à jamais la plateforme où l’on pouvait rêver du futur en temps réel, un pionnier devenu simple victime d’une révolution technologique qu’il avait lui-même enclenchée.

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