Safari face à l'IA - Apple repense sa stratégie de recherche pour contrer la baisse historique des requêtes Google

Depuis plusieurs mois, Apple explore activement l’intégration de fonctions de recherche basées sur l’intelligence artificielle dans son navigateur Safari. Cette initiative, dévoilée par Eddy Cue, vice-président senior en charge des services, lors du procès antitrust opposant Google au département de la justice américaine, démontre l’évolution des usages numériques et la volonté de Cupertino de rester à la pointe des technologies de recherche.

Safari, lancé début 2003, n’avait jamais connu de baisse de requêtes Google depuis sa création. Or, pour la première fois en avril 2025, Apple a constaté une diminution. Inédite en vingt-deux ans, elle a constitué une alerte pour la marque à la pomme, dont une part importante des revenus de services provient de l’accord passé avec Google: environ 20 milliards de dollars annuels en contrepartie du statut de moteur de recherche par défaut sur iOS et macOS. Eddy Cue a avoué lors de son témoignage avoir « beaucoup perdu de sommeil » à l’idée de voir cette manne financière menacée.

Selon lui, la chute des recherches Google sur Safari est étroitement liée à l’essor des moteurs de recherche alimentés par l’IA, comme ChatGPT, Perplexity, Gemini ou Microsoft Copilot. Ces plateformes proposent des réponses conversationnelles et synthétiques, incitant de plus en plus d’utilisateurs à contourner les moteurs classiques pour interroger directement des assistants intelligents. En offrant la possibilité de dialoguer avec une IA capable de comprendre le contexte et de produire des synthèses, ces outils bouleversent les habitudes et fragilisent le modèle publicitaire historique de Google, fondé sur le clic au sein de pages de résultats.
L’été dernier, Apple a scellé un partenariat avec OpenAI pour intégrer ChatGPT à certains de ses services, dont Siri. Toutefois, Eddy Cue souligne qu’il était « essentiel de pouvoir basculer si nécessaire », dans l’hypothèse où un concurrent prendrait l’avantage technologique. Aujourd’hui, des discussions sont en cours avec plusieurs acteurs majeurs du secteur, notamment Perplexity, OpenAI et Anthropic. L’objectif est de garantir à Safari un accès fluide aux capacités de génération de réponses les plus performantes, tout en conservant la liberté de changer de fournisseur si l’un d’entre eux s’impose à l’avenir.
Pour le moment, Cupertino considère que les technologies d’IA ne sont tout simplement pas assez bonnes pour remplacer un service de recherche complet. Les défis doivent encore être relevés: précision des réponses, fiabilité des sources, confidentialité des données et capacité à gérer des requêtes complexes. Eddy Cue toujours rappelle que Safari doit offrir un niveau de qualité irréprochable avant de déployer officiellement des fonctions d’IA intégrée. En effet, l’alignement avec les valeurs d’Apple (notamment la protection de la vie privée) oblige l’entreprise à mener des tests rigoureux et à développer des mécanismes de filtrage et de vérification adaptés.

Parallèlement à Apple, Google multiplie les efforts pour introduire sa propre IA, Gemini, sur iPhone, et négocie un accord similaire à celui scellé avec OpenAI. Sundar Pichai a récemment confirmé que des négociations sont en cours. Microsoft et d’autres acteurs technologiques accélèrent également leurs projets, proposant des intégrations dans leurs navigateurs ou assistants. Cette course pour dominer la recherche de prochaine génération souligne l’importance stratégique de cette technologie et pourrait remodeler profondément l’écosystème du web.
Alors que Google s’efforce de préserver son monopole traditionnel, Apple mise sur la flexibilité et l’innovation pour préparer l’avenir de la recherche. L’intégration de fonctions de recherche IA dans Safari, si elle se concrétise, marquera une étape décisive dans l’histoire de la navigation en ligne. La marque entend ainsi protéger ses revenus, satisfaire les attentes croissantes des utilisateurs et respecter ses engagements en matière de confidentialité. Dans un contexte de plaidoiries antitrust et de concurrence féroce, le combat pour la recherche numérique de demain est plus ouvert que jamais.