OpenAI renonce à son projet de se détacher de son entité à but non lucratif

OpenAI renonce à son projet de se détacher de son entité à but non lucratif

Depuis plusieurs mois, OpenAI préparait une profonde transformation de sa gouvernance afin de se séparer de son entité à but non lucratif. Toutefois, pressée par des voix influentes et engagée dans un dialogue constructif avec les bureaux du procureur général du Delaware et de celui de Californie, la société a finalement choisi d’abandonner cette ambition et de maintenir le statu quo en matière de supervision.

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OpenAI renonce à son projet de se détacher de son entité à but non lucratif
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Dans un billet publié hier, Bret Taylor, président du conseil d’administration de l’entité à but non lucratif, a officiellement annoncé l’abandon de la conversion en société à but lucratif. Cette décision marque un tournant majeur pour l’entreprise, qui avait pourtant avancé publiquement ses plans de restructuration l’année dernière.

Ce dernier explique que cette volte-face intervient « après avoir écouté les dirigeants civiques et dialogué avec les offices des procureurs généraux », autorités américaines compétentes pour bloquer la réforme envisagée. Garants du respect des statuts initiaux d’OpenAI, ils avaient exprimé leurs doutes quant à la légalité et à la pertinence d’une telle manœuvre. Confrontée à leur possible veto, ainsi qu’à une vive opposition émanant d’acteurs du secteur (dont Meta), l’entreprise a finalement renoncé à son dessein de transférer le contrôle à une structure entièrement lucrative.

En pratique, la maison-mère à but non lucratif conservera l’autorité sur sa filiale commerciale, qui sera désormais transformée en « Public Benefit Corporation » (PBC). Dans une note interne à destination des employés, le directeur général Sam Altman a justifié ce choix en soulignant que le mécanisme de plafonnement des rendements pour les investisseurs, instauré en prévision de l’annonce de l’intelligence générale artificielle, était pertinent lorsqu’on pensait qu’un unique acteur dominerait ce domaine, mais ne l’est plus dans un environnement où de nombreuses entreprises innovent dans son atteinte. Cette nouvelle structure offre un compromis entre engagement philanthropique et efficacité capitalistique.

L’intention initiale de pivot date de l’automne dernier, quand Reuters révélait qu’OpenAI souhaitait se réorganiser en société à but lucratif afin de séduire davantage d’investisseurs et de rationaliser sa gouvernance. Confiant dans l’attractivité d’un modèle plus conventionnel, Sam Altman s’était résolu à percevoir des actions pour la première fois (une participation estimée à environ 7%) marquant ainsi un changement d’attitude par rapport à la mission humanitaire originelle. Cette réorientation visait également à lever les limites de rendement pour les bailleurs de fonds, un point important pour attirer de nouveaux capitaux.

Pourtant, ces ambitions ont rapidement suscité un tollé. D’anciens collaborateurs et Elon Musk, cofondateur historique de la société, ont vivement critiqué le projet, craignant une dilution du contrôle éthique sur les avancées technologiques. Le milliardaire a même déposé une plainte pour empêcher la mise en œuvre du plan de restructuration, accusant qu’OpenAI avait rompu un contrat implicite et retenait de manière injuste les avantages issus de ses premiers investissements. Récemment, un juge a estimé que ce dernier avait suffisamment démontré la violation de cet accord implicite, tout en rejetant certaines de ses accusations, notamment celle de s’être senti trompé par les déclarations publiques auxquelles il avait contribué. La contestation ne s’est pas limitée aux seuls intérêts privés. En avril, un collectif de juristes, chercheurs en IA et observateurs de l’industrie tech ont adressé une lettre ouverte aux procureurs généraux de Californie et du Delaware, appelant à la suspension des projets de réforme. Des prix Nobel et des professeurs de droit ont également sollicité les autorités étatiques, invoquant la nécessité de préserver un cadre sécuritaire face aux scénarios hypothétiques d’une intelligence artificielle superintelligente échappant à tout contrôle.

Par conséquent, la version mise à jour de la gouvernance d’OpenAI se veut plus simple sans pour autant rompre avec les fondements originels. Le bras lucratif, jusque-là organisé en société à responsabilité limitée avec un mécanisme de profits plafonnés, deviendra une PBC dont la mission sociale et éthique sera inscrite dans les statuts. Chaque partie prenante détiendra dorénavant des actions classiques, et la complexité du système de plafonnement des rendements sera remplacée par une structure capitalistique plus accessible et transparente. Néanmoins, cette décision n’efface pas toutes les incertitudes financières. Lors de sa levée de fonds exceptionnelle de 40 milliards de dollars en mars dernier, SoftBank, principal investisseur avec une promesse de 30 milliards, avait conditionné un apport réduit à 20 milliards si OpenAI ne se transformait pas en entité entièrement lucrative avant la fin 2025. Cette clause, toujours en suspens, pourrait contraindre la société à renégocier ses engagements ou à trouver d’autres sources de financement.

Malgré ces défis, Sam Altman affiche un optimisme mesuré:

« Nous pensons que cette configuration nous permettra de poursuivre des progrès rapides et sûrs, tout en offrant une intelligence artificielle de qualité à tous. »

En choisissant de maintenir le contrôle de l’instance à but non lucratif, OpenAI préserve sa légitimité éthique et répond aux préoccupations de ses pairs tout en adaptant sa structure aux réalités économiques du secteur. L’avenir de l’entreprise reposera désormais sur cette alliance entre rigueur morale et souplesse financière, au service de l’innovation.

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