Meta en nettoyeur de façade

Meta en nettoyeur de façade

Depuis quelques jours, Meta met en avant sa bienveillance: Facebook va s’ériger en juge suprême du contenu sur sa propre plateforme. Derrière l’argumentaire de la lutte contre le « spam » se dessine surtout l’envie de reprendre le contrôle d’un algorithme qu’on accuse désormais de tout, y compris du manque d’engagement ou des revenus publicitaires en berne. Le philosophe s’interrogera alors: qui nettoie vraiment, et pour quel bénéfice ? L'entreprise américaine annonce tout d’abord qu’elle sanctionnera les comptes tentant de tricher avec l’algorithme en inondant leurs publications de textes interminables et de hashtags à foison. Finis les pavés sur des sujets sans rapport avec l’image, finit le spectacle de chiens mignons détournés pour vendre derrière le hashtag « #VIRALCONTENT » ou encore « #BOOST ». Alors même que certains se plaignaient hier encore d’un fil d’actualité sans saveur, voilà qu’on nous promet un retour à l’ordre moral numérique.

Concrètement, une publication jugée comme spam, c’est désormais l’assurance d’être relégué dans l’ombre. Plus de rémunération pour les créateurs concernés et une visibilité réduite, réservée aux seuls abonnés fidèles. L’effort paraît vertueux ? On pourrait le croire si ces mêmes abonnés ne subissaient pas déjà une sélection drastique de ce qui remonte dans leur fil. Et si cela augmentait en réalité la mainmise de Meta, en confinant les créateurs borderlines dans un microcosme rentable à l’oligopole ? L’exemple mis en avant par l'entreprise est symptomatique, la photo d’un chien adorable associée à un titre « Top 10 #AIRPLANE Facts » totalement hors sujet; ou ce long post vantant les vertus automobiles, sacrifiant la lisibilité au prix d’une indigestion de mots-clés. Des méthodes éprouvées pour grappiller quelques vues et followers, avant d’empocher un maigre pactole publicitaire. Quelle nouveauté ! Une plateforme prétend soudainement éviter l’auto-promotion abusive !

Cette offensive intervient à peine quelques semaines après le lancement du fil « Amis uniquement », une alternative à l’algorithme censé masquer les recommandations trop hasardeuses. Meta ne s’arrête d'ailleurs pas là. Les faux engagements coordonnés dans les commentaires verront leur visibilité chuter. Mieux encore, une fonctionnalité de signalement vous permettra d’indiquer une intervention « inutile », tandis qu’un outil de modération automatique débusquera les comptes usurpateurs.

Pendant ce temps, aux États-Unis, la Federal Trade Commission (régulateur du commerce américain) poursuit l'entreprise en justice pour abus de position dominante, exigeant le démantèlement d’Instagram et de WhatsApp. En pleine bataille pour briser ce qui est perçu comme un monopole des services de réseaux sociaux personnels, les pièces du puzzle tombent: on découvre des messages internes décrivant les fantasmes de Mark Zuckerberg, prêt à effacer toutes les connexions d’un claquement de doigt, histoire de reconquérir l’enthousiasme des utilisateurs. Une preuve de plus que le Big Boss se prend pour Dieu.

Il est également question de suppressions de postes chez Reality Labs, le laboratoire de la réalité virtuelle maison. Des équipes d’Oculus Studios, dont le mastodonte Supernatural (racheté plus de 400 millions de dollars), ont vu leur rangs fondre, tandis que des employés impliqués dans les développements hardware ont été dégraissés. L’argument officiel ? Optimiser l’efficacité pour les futurs projets de fitness et de jeux en réalité mixte. Derrière cette façade, c’est surtout une stratégie de recentrage sur l’essentiel (ou plutôt sur ce qui rapporte immédiatement). Car les ventes de lunettes connectées Ray-Ban ont grimpé plus vite que prévu, tandis que les casques de réalité virtuelle continuent de peiner. Le dernier modèle, le Quest 3S, lancé à l’automne dernier, affiche déjà des promotions de l’ordre de 10 % dans certaines configurations. Un signe que, malgré le discours d’innovation permanente, l'entreprise n’est pas à l’abri des soubresauts du marché.

De son côté, Threads, le réseau textuel conçu pour rivaliser avec les champions du microblogging, passe de Threads.net à Threads.com. Un simple changement de nom de domaine, qu’on nous vend comme une amélioration de l’accessibilité, alors qu’il s’agit surtout de récupérer un trône volé. Les flux personnalisés s’alignent enfin entre version mobile et web, on peut déplacer des colonnes et copier-coller des images. De menus ajustements pour masquer un vide fonctionnel. La plateforme explore aussi la mobilité des abonnements, laissant importer la liste des suivis depuis X ou d’autres applications. Une connectivité croisée présentée comme un geste pour les créateurs, mais qui traduit en réalité la panique de Meta face à la fuite des talents vers des plateformes plus libres. Et pendant qu’on parle de croissance d’audience, un déploiement progressif de la publicité s’installe dans plus de trente pays, rappelant que tout réseau social reste avant tout un espace marchand.

Pour finir et alors que la grande purge anti-spam fait la une, souvenons-nous que le problème n’est pas tant la qualité du contenu que le monopole d’une entreprise sur nos communications. Derrière chaque hashtag banni se cache l’ombre d’un algorithme à géométrie variable, servi par un PDG prêt à tout pour museler, restructurer, et finalement, décider qui mérite de parler.

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