L'administration Trump s'attaque maintenant à Wikipédia

L'administration Trump s'attaque maintenant à Wikipédia

Dans un nouvel épisode de sa croisade contre toute forme d’information qu’elle ne contrôle pas, l’administration Trump a décidé de viser directement Wikipédia, une des dernières forteresses du savoir libre et collaboratif. Après avoir fait disparaître des sites gouvernementaux des données cruciales sur l’efficacité des vaccins ou sur la santé LGBT, après avoir déclaré la guerre aux universités et aux revues scientifiques indépendantes, c’est désormais la plateforme qui garantit l’accès gratuit à la connaissance qui se retrouve dans la ligne de mire de l’exécutif américain.

Au cœur de cette offensive, une lettre accablante signée Ed Martin, procureur par intérim du district de Columbia nommé par Donald Trump. Datée de ce début de semaine et adressée à la Wikimedia Foundation (l’organisation à but non lucratif qui héberge Wikipédia), elle accuse cette dernière de diffuser des propagandes et va même jusqu’à menacer son statut d’association. Autrement dit, l’administration américaine prétend que Wikipédia ne respecterait plus les exigences minimales qui lui permettent d’échapper à l’impôt fédéral.

Ed Martin

Selon la lettre toujours, Wikipédia laisserait des acteurs étrangers manipuler l’information et propager des messages de propagande, qu’il s’agisse de réécrire des événements historiques clés ou de déformer la biographie de dirigeants américains, passés ou présents. Pire encore, l’avocat reproche à la fondation d’être dirigée principalement par des ressortissants étrangers, ce qui, selon lui, constituerait un détournement des intérêts des contribuables américains. Pour appuyer ces accusations outrageuses, il exige d'elle qu’elle fournisse avant le 15 mai un dossier complet détaillant ses procédures de protection contre la désinformation, ses mécanismes de lutte contre les ingérences extérieures et tout document susceptible de prouver sa bonne foi. Bien entendu, cette sommation largement motivée par une idéologie bornée sonne avant tout comme une menace voilée: alignez-vous ou périssez fiscalement.

Ed Martin n'en est pas à son premier coup d'essai, il avait déjà assiégé, par le passé, plusieurs revues scientifiques prestigieuses, les accusant de partialité politique et d’exclure des chercheurs aux opinions contraires. Dans chacun de ces courriers, le même leitmotiv: réduire au silence toute voix indépendante capable de contredire la ligne officielle de la Maison-Blanche. Et l'homme ne s’arrête pas là. Il s’est également fait le héraut de l’intimidation contre des médias rapportant des faits gênants pour l’administration Trump. Il a menacé de poursuites judiciaires des publications qui couvraient le travail du DOGE, la nouvelle machinerie bureaucratique conçue pour démanteler les structures fédérales. Il a même invité des élus à clarifier leurs propos lorsqu’ils critiquaient l’effritement du gouvernement orchestré par Elon Musk, se faisant ainsi l’avocat zélé du milliardaire impatient de remodeler l’État américain à sa guise.

Il n’est guère surprenant que, dans ce contexte de harcèlement systématique des acteurs du savoir, Wikipédia soit devenu la cible suivante. Elon Musk lui-même, en bon pourfendeur des wokes et des médias traditionnels, l'a rebaptisé « Woképédia », l’accusant d’être un instrument de propagande. S’inspirant probablement de cette rhétorique démagogique, Ed Martin s’est fait l’agent de cette campagne de calomnie, prêt à sacrifier l’accès libre à l’information pour imposer la version des faits validée par l’exécutif. Cette attaque n’est pas sans rappeler les heures sombres où certains gouvernements cherchaient à contrôler la presse, à brûler des livres ou à falsifier l’Histoire. En visant ainsi Wikipédia, le gouvernement américain s’attaque au cœur même de la démocratie: le droit des citoyens à vérifier, comparer et remettre en question les faits. Car la plateforme, avec ses millions d’articles rédigés et vérifiés par une communauté internationale de bénévoles, représente un chemin de traverse hors du contrôle politique, une lueur d’indépendance dans un paysage médiatique parfois captif des intérêts économiques ou idéologiques.

Il est donc important de comprendre l’enjeu, si la Wikimedia Foundation perd son statut d’association à but non lucratif, elle se verrait imposer un lourd impôt, fragilisant sa capacité à héberger les serveurs, à financer les contributeurs et à maintenir l’accès gratuit à ses contenus. Ce serait un coup fatal porté à un espace de savoir universel, fruit de la collaboration de millions de volontaires. À travers cette manœuvre, l’administration Trump envoie un message clair: l’information n’est pas un bien public, mais un outil de pouvoir. Seules les versions validées par celui en place auront droit de cité. Qu’importe la véracité, qu’importe la diversité des points de vue, seule importe la conformité à la ligne officielle. Face à cette dérive autoritaire, défendre Wikipédia revient à défendre la liberté de pensée et la démocratie.

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