La sonde Lucy va frôler l’astéroïde Donaldjohanson

Ce dimanche en début de soirée, la sonde Lucy de la NASA effectuera un passage rapproché spectaculaire à proximité de l’astéroïde Donaldjohanson, marquant ainsi la deuxième étape d’une série de survols destinés à étudier les vestiges du système solaire primitif. Cette mission, qui s’étend sur douze ans, se donne pour objectif d'analyser des corps célestes variés dans la ceinture principale avant de rejoindre, à partir de 2027, plusieurs astéroïdes troyens gravitant aux côtés de Jupiter. En survolant Donaldjohanson à seulement 960 kilomètres de distance, Lucy devrait recueillir une quantité précieuse de données qui permettra de mieux comprendre l’histoire et la diversité des petits corps de notre voisinage planétaire.
L’approche la plus rapprochée aura lieu à 19h51. Pour saisir chaque détail de la surface et de la forme de l’astéroïde, la sonde utilisera trois instruments scientifiques: un spectromètre proche‑infrarouge chargé d’analyser la composition minérale, un imageur à champ de vision large pour cartographier la topographie, et un détecteur de particules et de poussières. En tournant autour du corps céleste pendant plusieurs heures, l’engin spatial espère obtenir une vision à 360 degrés, essentielle pour reconstituer la géologie et l’histoire d’impact de ce petit monde.
Durant cette phase critique, Lucy devra interrompre temporairement la poursuite optique lorsque l’angle du Soleil risquera d’exposer ses instruments à un bombardement direct de rayons solaires. Afin de protéger ses détecteurs sensibles, elle orientera une de ses protections thermiques vers le Soleil, assurant ainsi l’intégrité de son équipement pour le reste de la mission. Une fois l’ombre du bouclier levée, elle reprendra immédiatement ses observations, collectant images et mesures jusqu’au moment où la géométrie du passage ne le permettra plus.
Cette rencontre vient enrichir un parcours déjà riche en découvertes: en 2023, Lucy survolait l’astéroïde Dinkinesh, dévoilant un système binaire de contact, souvent surnommé « cacahuète » en raison de sa forme, composé de deux lobes solidaires. Ce premier survol révéla l’existence d’un petit compagnon de Dinkinesh, transformant notre vision de ces corps considérés jusqu’alors comme des objets isolés. La mission Lucy démontre ainsi que même les astéroïdes de taille modeste peuvent porter des histoires complexes, façonnées par la gravité et les collisions successives au cours des milliards d’années.
Après avoir exploré Donaldjohanson, elle s’orientera vers son véritable but, les astéroïdes troyens de Jupiter, vestiges potentiels des planétésimaux à l’origine des planètes géantes. Ces petits corps partagent l’orbite de la planète, piégés dans deux régions stables situées respectivement devant et derrière la géante gazeuse. Leur composition chimique et leur densité pourraient apporter des indices importants sur la formation des planètes externes et sur le peuplement primordial du système solaire. Le premier de ces astéroïdes troyens, baptisé Électre, sera approché en 2027, ouvrant un nouveau chapitre de la mission.
D’un point de vue scientifique, chaque astéroïde visité fait office de capsule temporelle, renfermant des matériaux inchangés depuis la naissance du système solaire. En étudiant la composition minérale, les structures de surface et la densité de ces objets, les chercheurs espèrent reconstituer les conditions physico‑chimiques qui régnaient il y a 4,6 milliards d’années. Lucy, grâce à son arsenal d’instruments, se positionne comme un éclaireur sans précédent, capable de relier les observations lointaines des télescopes terrestres aux mesures in situ d’une sonde spatiale.
Au‑delà des aspects purement techniques, c’est une véritable aventure scientifique que représente la mission Lucy, dont le nom fait écho au célèbre fossile de l’hominidé « Lucy », découvert en Éthiopie en 1974 par le paléoanthropologue Donald Johanson. En nommant l’astéroïde avec ce nom, la NASA rend hommage à la quête de nos origines, qu’elles soient planétaires ou humaines. Tout comme le fossile de Lucy a permis de comprendre les débuts de l’humanité, la sonde éponyme ambitionne de jeter un éclairage nouveau sur les origines de notre système. Dès ce soir, les premières images, transmises après un temps de latence lié à la distance, devraient parvenir aux équipes pour être analysées en détail. Les scientifiques scruteront ces clichés, à la recherche de stries d’impact, de fissures ou d’éventuels cratères, témoins d’une histoire géologique mouvementée. Dans les semaines suivantes, un rapport complet viendra nourrir les modèles de formation des petits corps célestes, enrichissant notre compréhension du cosmos.