Google et Apple - La fusion explosive de Gemini sur iPhone

Le procès anti-trust qui oppose Google au département de la justice américain n’est pas seulement une joute juridique, c’est aussi l’arène où se décide l’avenir de l’intelligence artificielle sur nos smartphones. Aujourd'hui, devant la juge Florence Y. Pan, Sundar Pichai a lâché une bombe: Google s’apprête à sceller un accord avec Apple pour intégrer Gemini, son modèle d’IA maison, dans l’iPhone.

Cette alliance, qui devrait être conclue d’ici cet été, vise à offrir à Siri la possibilité de faire appel à Gemini pour traiter les requêtes les plus complexes, à l’instar de l’intégration de ChatGPT déjà disponible via Apple Intelligence.

Dès l’été dernier, Craig Federighi, le vice-président senior en charge d’Apple, soufflait l’idée:
“Nous voulons que l’utilisateur puisse choisir le modèle qu’il préfère, pourquoi pas Gemini de Google à l’avenir.”
Aujourd’hui, le PDG de Google confirme que ces discussions ont bien eu lieu, et même qu’il s’est entretenu directement avec Tim Cook pour peaufiner les détails de la distribution de l’application Gemini sur iOS. Selon lui, ce dernier lui aurait assuré qu’Apple envisagerait d’ajouter plusieurs modèles d’IA tiers à Apple Intelligence avant la fin de l’année. Les indices d’une entente prochaine ne manquent pas. En février, une bêta d’iOS 18.4 faisait apparaître Google comme option possible pour Apple Intelligence. Dès lors, lorsque Siri butera sur une question sophistiquée, l’assistant prélèvera l’autorisation utilisateur et fera appel à Gemini. Exactement comme pour ChatGPT, qui est capable d’analyser des photos ou de générer des images depuis du texte.
Mais loin de se limiter à un simple partenariat commercial, cette annonce survient dans un moment critique pour Google. Pendant la phase de remèdes du procès, le gouvernement américain a proposé rien de moins que de démanteler le moteur de recherche en le forçant à partager sa base de données et son index de recherche à coût marginal avec tous les concurrents. Sundar Pichai ne cache pas son effroi: céder ces trésors de données, signe selon lui d’une ingérence excessive et drastique, qui reviendrait à offrir à quiconque la possibilité de recréer, de A à Z, toute la stack technologique de Google.
Interrogé par son propre avocat, John Schmidtlein, sur l’ampleur des investissements du géant américain, le PDG de Google a fièrement déclaré que l’entreprise a englouti pas moins de 49 milliards de dollars l’an dernier dans ses projets de recherche et développement. Toutefois, il prévient:
“Si nous devons tout lâcher à un prix plancher, comment justifier l’investissement continu ?”
Une question coup de poing qui résonne comme un ultimatum, continuez à nous laisser libre d’innover, ou vous nous privez de notre raison d’être. Les plaignants rétorquent que sans une mise à plat forcée, l’avantage de Google dans la recherche est trop écrasant. Entre placements préférentiels, statut par défaut sur d’innombrables appareils et exploitation du navigateur Chrome, la firme californienne a construit un écosystème quasi invincible.
Sundar Pichai, lui, n’entend pas laisser son moteur de recherche être mis à bas. Il dénonce également la proposition de contraindre son entreprise à céder Chrome. Avant d’en devenir le PDG, il dirigeait l’équipe qui avait créé le navigateur. Toujours selon lui, aucun autre acteur ne manifestera jamais un tel engagement pour la sécurité, la confidentialité et le développement du Web. Google a investi plus d’un milliard dans Chrome sur la seule dernière année, et des dizaines de milliards depuis dix ans. Avec plus de 90 % des contributions au projet open source Chromium, la société affirme être la seule à pouvoir garantir la qualité et la sécurité de l’expérience utilisateur. Face aux questions insistantes du département américain de la justice, il oppose une culture unique, fruit d’une décennie de travail et d’investissement. Il confesse toutefois une crainte: que deviendrait le navigateur le plus populaire au monde entre des mains moins respectueuses de la confidentialité ?
Ce procès n’est donc pas qu’une affaire de parts de marché. Il teste les limites mêmes de l’innovation. Le gouvernement US exige qu’intelligence artificielle et recherche restent ouvertes, concurrencées, sans qu’une seule entreprise ne détienne la caverne d’Ali Baba des données et des algorithmes. Google, de son côté, martèle que c’est son investissement gargantuesque qui a permis ces avancées, et que les forcer à tout partager condamnerait la créativité même du secteur. Pourtant, au cœur de ces enjeux planétaires, c’est l’utilisateur final qui risque d’être le grand oublié. Siri dopé à Gemini pourra-t-il rivaliser avec l’efficacité pure du moteur de recherche ou la magie conversationnelle des chatbots ? Et si cette nouvelle alliance entre Google et Apple venait à capoter, les promesses d’une IA multi-fournisseurs sur iOS ne seraient plus qu’un leurre.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, l’accord sur Gemini dans l’iPhone n’est qu’un prélude. D’ici la fin de l’année, Apple prévoit d’ouvrir Apple Intelligence à plusieurs modèles, ouvrant la porte à un véritable marché au sein de son écosystème. Entre sa volonté de proposer un choix et l’angoisse de Google de tout voir soufflé, l’avenir de la recherche et de l’assistance vocale promet d’être explosif.
Pendant que les avocats se déchirent sur les bancs du tribunal, des millions d’utilisateurs attendent de savoir si Siri, demain, répondra avec la puissance de Gemini, ou si elle restera prisonnière d’un seul fournisseur. De ce procès dépend peut-être l’équilibre futur entre monopole et innovation, entre confidentialité et ouverture, entre progrès technologique et liberté de choisir. Le compte à rebours vers l’intégration de Gemini est lancé,et avec lui, le destin de nos interactions quotidiennes avec l’IA.