Bill Gates fustige Donald Trump et Elon Musk

Bill Gates ne mâche pas ses mots. Dans une interview incendiaire accordée au New York Times, le co-fondateur de Microsoft dresse un portrait sans concession des récentes décisions de l’administration Trump et de l’impulsivité d’Elon Musk.

Selon lui, les coupes drastiques dans le budget de l’USAID (agence des États-Unis pour le développement international) ne sont pas de simples ajustements budgétaires, mais de véritables condamnations à mort pour des centaines de milliers d’enfants. Il fait part de son effarement: là où l’USAID aurait dû connaître un reflux modéré de l’ordre de 20 %, c’est une saignée de près de 80 % qui a été pratiquée, sans ménagement ni justification plausible. Pour lui, cette décision marque un tournant funeste. Là où il se prévoyait, sans cette austérité, une réduction des décès infantiles de cinq à quatre millions par an, cela risque désormais, selon lui, de repartir à la hausse.

Cette attaque frontale s’inscrit dans le sillage d’une première rencontre entre Gates et Trump, lors d’un dîner marathon de trois heures en décembre dernier. À l’époque, le philanthrope américain avait trouvé l’intérêt du président pour les enjeux de santé mondiale « franchement impressionnant ». Quelques mois plus tard, le même Donald Trump, soutenu par son "champion de l’efficacité gouvernementale", Elon Musk, balaye d’un revers de main le financement d’une des rares vitrines de l’aide américaine. Le couperet est tombé, les programmes de vaccinations, de lutte contre la polio et le VIH, ainsi que l’approvisionnement en vivres, ont vu leur avenir compromis.
Pilier autoproclamé de l’efficience publique, Elon Musk se trouve au cœur des critiques de Bill Gates. « Il a littéralement mis l'USAID dans le broyeur à bois parce qu’il n’a pas assisté à une fête ce week-end-là », ironise-t-il. L’image est cruelle, mais révélatrice, le patron de Tesla, avec son Doge, a présenté l’agence comme un vestige inutile, « criminoïde » selon ses propres termes, sans même saisir l’ampleur des programmes qu’il sacrifierait. Résultat, des stocks entiers de vaccins et de médicaments sont en passe de pourrir dans des entrepôts, tandis que des maladies autrefois contenues menacent de refaire surface. Le journaliste du Times, David Wallace-Wells, lui rappelle alors l’engagement moral que Musk a pris en signant le Giving Pledge, pour reverser la majeure partie de sa fortune aux causes caritatives. Bill Gates n’hésite pas à rappeler un paradoxe glaçant, « Vous pouvez choisir d’honorer cette promesse le jour de votre mort », souligne-t-il, avant de conclure d’une voix acerbe, « En attendant, l’homme le plus riche du monde contribue à la mort des enfants les plus pauvres. »
Pour lui, il est urgent d’agir. Dans cette même interview, il annonce sa volonté de liquider quasiment l’intégralité de sa fortune d’ici vingt ans. Objectif, injecter plus de 200 milliards de dollars dans la recherche et l’aide humanitaire, deux fois plus que ce qui a déjà été investi ces vingt-cinq dernières années. Son plan est clair, accélérer les financements pour donner un coup d’accélérateur à l’éradication de la polio, à la lutte contre le VIH et à l’amélioration de la santé maternelle et infantile. Le timing n’est pas neutre. Le calendrier de la fondation Bill & Melinda Gates prévoit sa dissolution pour le 31 décembre 2045, lorsque la fortune de l'intéressé aura été réduite de 99 %. Au passage, l’homme d’affaires, aujourd’hui âgé de 69 ans, remet en question les notions de dynastie et d’héritage familial excessif: « Je soutiens un impôt sur les successions renforcé pour combattre la concentration dynastique des richesses », déclare-t-il. Moins de 1 % de son empire ira à ses enfants, le reste devant servir l’intérêt général.

Dans son récit, il dénonce également les erreurs factuelles d'Elon Musk. En coupant les financements d’un hôpital dans la province de Gaza au Mozambique, il croyait qu’il s’agissait de fournir des préservatifs au Hamas. Une confusion géographique et politique aux conséquences tragiques: des mères séropositives, privées de traitement, risquent de transmettre le virus à leurs nouveau-nés. « Je serais ravi qu’il aille rencontrer ces enfants aujourd’hui infectés à cause de sa décision », lance-t-il, implacable.
Cette sortie médiatique illustre un clivage profond entre deux visions philanthropiques. D’un côté, Bill Gates incarne la voie méthodique, basée sur la science et l’évaluation rigoureuse des projets. De l’autre, Elon Musk se revendique des solutions commerciales (véhicules électriques, colonies martiennes) dédaignant le mécanisme d’aide publique. Dans cette guerre des milliards, ce sont pourtant les plus vulnérables qui paient la facture. Face à cette réalité, Bill Gates l’affirme: « On ne peut pas remplacer un budget public de 44 milliards de dollars par la seule bonne intention d’un milliardaire. » Il ne reste plus qu’à espérer que cette mise en garde retentissante soit entendue. Car derrière les querelles d’ego et les batailles pour le prestige philanthropique, c’est la vie de millions d’enfants qui est suspendue à un fil. L'ancien patron de Microsoft frappe un grand coup pour rappeler qu’en matière de survie, on ne rachète pas la mort avec des tweets.