Amazon Web Services face aux tarifs douaniers américains - Une stratégie défensive dans un climat d’incertitude

Dans un contexte où les tarifs douaniers sèment le trouble au sein des opérations de vente au détail d’Amazon, la branche cloud de l’entreprise, Amazon Web Services (AWS), prend les devants pour parer aux inquiétudes croissantes de ses clients professionnels. Un document interne, obtenu par Business Insider, révèle qu’elle a distribué de nouvelles directives à ses équipes de vente et techniques, leur indiquant précisément comment répondre aux questions des clients sur les tarifs, la souveraineté des données et les éventuelles restrictions liées aux politiques du gouvernement américain. Ce mouvement stratégique montre que l'entreprise, bien que moins directement touché par les tarifs dans son activité cloud que dans son commerce électronique, anticipe des questions épineuses et se prépare à y répondre avec prudence.
Les directives internes sont claires: si un client s’interroge sur une possible augmentation des prix, les employés doivent éviter les réponses directes. Ils sont alors invités à réaffirmer les conditions de tarification des accords privés existants. Le document précise:
« En cas d’augmentation des prix par AWS, ces hausses n’affecteront pas les remises, crédits ou tarifs spécifiques aux services convenus dans votre PPA. »

Une manière habile de rassurer sans s’engager, dans un climat où la spéculation est explicitement proscrite. Cette prudence reflète l’incertitude entourant l’évolution rapide des politiques commerciales, notamment sous l’administration Trump, qui a temporairement suspendu la plupart des nouveaux tarifs pour 90 jours, tout en maintenant une taxe de 145 % sur les marchandises chinoises. Pourtant, AWS n’est pas à l’abri. La dépendance de l’entreprise aux équipements informatiques haut de gamme, souvent fabriqués en Chine ou à Taïwan, expose son infrastructure à des coûts accrus. Bien que certains composants semi-conducteurs aient récemment été exemptés de tarifs, d’autres pièces essentielles des centres de données pourraient être impactées.
Au-delà des questions de prix, AWS se prépare à des scénarios plus extrêmes, notamment la possibilité que le gouvernement américain exige l’accès aux données des clients ou interdise aux entreprises étrangères d’utiliser ses services. Ces préoccupations, amplifiées par la guerre commerciale de Trump et les tensions croissantes avec l’Europe, placent la souveraineté des données au cœur des débats. Le document interne ordonne aux employés de rappeler que AWS ne divulgue pas les informations des clients, sauf obligation légale, et que toute demande est rigoureusement examinée.
Concernant le CLOUD Act de 2018, qui autorise les agences américaines à accéder aux données détenues par des entreprises américaines, même à l’étranger, AWS se veut rassurante. Depuis 2020, aucune donnée de clients professionnels ou gouvernementaux stockée hors des États-Unis n’a été transmise, et l’entreprise s’engage à contester toute demande jugée excessive. Interrogée sur une potentielle interdiction d’accès à AWS pour les utilisateurs étrangers, l’entreprise reste évasive. Le document note qu’aucune indication ne suggère une telle mesure à court terme et explique qu’une telle décision contredirait l’objectif de l’administration de soutenir les entreprises technologiques américaines à l’international. AWS se présente comme un acteur bien informé des politiques du pays, affirmant que les tarifs restent le principal levier de « rééquilibrage » commercial, loin des restrictions sur les services cloud.
AWS anticipe également les risques liés à d’éventuelles sanctions américaines qui pourraient limiter l’accès à ses services dans certains pays. Le document souligne que les sanctions à l’échelle d’un pays sont rares et que, dans de tels cas, les entreprises disposent généralement d’un délai pour cesser leurs opérations.
« AWS ferait tout ce qui est pratiquement possible pour assurer la continuité du service », promet l’entreprise.
Par ailleurs, face à des mouvements patriotiques comme un potentiel « Buy Canada », Amazon précise que son bureau local est une entité enregistrée à Toronto, permettant aux clients de stocker leurs données sur place et de les chiffrer. Les employés sont malgré tout invités à éviter de présenter AWS comme une entreprise canadienne, un terme jugé complexe et contextuel.

Alors qu’Amazon s’apprête à publier ses résultats du premier trimestre, avec une chute de 15 % de son action cette année, le géant du commerce en ligne navigue dans un environnement instable. Andy Jassy, son PDG, a récemment reconnu sur la chaîne CNBC que la situation reste fluide, tout en insistant sur les efforts pour maintenir des prix bas dans le commerce électronique. Les vendeurs tiers, confrontés à des coûts d’importation en hausse, augmentent cependant leurs prix, et les équipes internes peinent à établir des prévisions fiables. Dans ce contexte, AWS adopte une posture défensive, cherchant à protéger sa réputation et à rassurer ses clients face à des incertitudes multiples.